Un auteur au collège

Dans le cadre de notre Parcours Culturel et Artistique, nous avons eu la chance de recevoir au collège un auteur de bandes dessinées, Chanouga (Hubert Campigli).  La lecture de sa bande dessinée « Narcisse » s’inscrit parfaitement dans le programme de français des 5èmes car l’un des thèmes à traiter pour ce niveau est « Le voyage et l’aventure: pourquoi aller vers l’inconnu ? ».

Chanouga découvre par hasard l’histoire de Narcisse Pelletier qui devient le thème de sa trilogie:  Narcisse, un jeune mousse vendéen, s’embarque sur un navire qui s’échoue sur les récifs de l’île Rossel (Papouasie-Nouvelle-Guinée) en 1858.  Abandonné par ses coéquipiers, il est recueilli par des aborigènes auprès desquels il va vivre pendant 17 ans. Il est ensuite ramené de force en France par un navire anglais.

Notre auteur s’est prêté, lors de sa visite, au jeu des questions-réponses auprès des élèves. Voici une synthèse de l’interview réalisée dans les classes:

Pourquoi vous appelez-vous Chanouga ?

C’est un pseudonyme assez mystérieux, inventé par ma fille, pour ne pas apparaître sous mon vrai nom.

Quel est votre parcours professionnel ?

Amateur de BD depuis l’enfance, dans des magazines de BD, grand lecteur de récits d’aventures, je rêvais d’être aventurier marin comme Jack London ; j’ai fait des études aux Beaux-arts (5 ans), mais il n’y a pas d’études pour devenir auteur de BD, les auteurs ont des parcours très variés. Je suis devenu graphiste, mais comme j’ai envie d’écrire pour partager des histoires passionnantes, j’ai fait déjà 5 BD (depuis environ 10 ans). C’est difficile de vivre de la BD, il faut au moins une sortie par an et il y a beaucoup d’auteurs, les ventes sont réduites, c’est surtout un métier de passion. Avec Narcisse, les ventes ont bien marché, et il a été réédité et traduit pour être vendu à l’étranger.

Comment travaillez-vous ?

Chaque créateur doit trouver son propre moyen de créer. Une BD, c’est très complet : le texte et les images se complètent.

Les idées surgissent n’importe quand, je prends des notes sur un téléphone ou sur un carnet, par exemple dans les transports (je prends souvent le train pour aller dans les festivals, les salons…).

Ensuite je fais tout : je suis scénariste, dessinateur et coloriste : d’abord le découpage de l’histoire en pages puis en cases (brouillon + brouillon avec textes), puis le dessin définitif (avec des bulles vides) dans un atelier sur table à dessin, scanné pour être coloré sur ordinateur. Mon écriture a été numérisée pour être ajoutée dans les bulles. Comme je ne suis pas bon en orthographe, les textes sont corrigés par mon entourage et par mon éditeur (correcteurs).

Une planche définitive en dessin à la main représente environ une journée de travail.

Pourquoi avez-vous eu envie de faire Narcisse ?

J’ai découvert par hasard mes premières sources dans une brocante, et je me suis documenté sur ce personnage dont l’histoire avait beaucoup marqué les gens de la fin du XIXe siècle. J’ai découvert des articles de presse sur une scène d’anthropophagie chez les Papous, qui a choqué les lecteurs, et sur ce Narcisse Pelletier, « Français cannibale », devenu un peu un animal, qu’on voulait montrer dans les zoos humains à son retour en France. Comme je suis passionné par la marine et les récits de voyage, ce personnage m’a tout de suite intéressé, et m’a fait penser au contraire de Robinson : (abandonné sur une île prétendument déserte où il rencontre Vendredi qu’il veut civiliser). On pourrait facilement écrire un roman ou faire un film avec cette histoire.

J’ai fait comme une enquête, tout au long de l’écriture, pour que mes BD soient bien documentées (les lecteurs sont très vigilants sur les détails et sur le risque d’anachronismes). J’ai par exemple trouvé les mémoires de Narcisse (édités à 300 exemplaires et dont il ne reste que 17) et collaboré avec une historienne ethnologue australienne, Stéphanie Anderson, à qui j’ai envoyé le tome 1 et qui a suivi la création du tome 2. Elle m’a aidé, parce que je n’ai pas pu visiter l’Australie, je n’ai pas vu tous les lieux que Narcisse a parcourus et en plus il faut les imaginer en 1875 (par exemple Sydney, qui ressemble à Londres en petit).

J’ai commencé en 2014 et fini depuis un an et demi ; la réalisation de chaque album a pris entre un an et un an et demi.

Est-ce qu’il y aura un tome 4 ?

J’ai conçu le scénario pour une trilogie : 3 tomes pour les 3 vies du héros : le mousse, l’initiation auprès des Aborigènes, le retour (de 12 à 45 ans).

Mais j’aimerais réaliser un livre documentaire sur la culture Aborigène.

Quelle est la part de réel et la part de création dans cette histoire ?

Tous les détails de la vie sur les navires, très dure pour un mousse (qui fait toutes les tâches ingrates et sert de souffre-douleur, mis à l’épreuve par les adultes) et la chronologie de l’histoire sont vrais. C’est même violent, cru et parfois grossier pour être réaliste. Comme la scène de violence envers la fille aborigène qui est réaliste par rapport à la colonisation par les Blancs, ou la femme nue sur la couverture du tome 3 (j’ai proposé 3 couvertures à l’éditeur parce que je pensais qu’il refuserait cette image, mais elle correspond simplement au mode de vie normal dans un pays où il fait si chaud).

Sur la vie de Narcisse en Australie, on a peu d’informations parce qu’il n’a plus voulu en parler, il ne s’est jamais confié à personne : on sait qu’il était surnommé Amglo et qu’il a été initié (perforations et scarifications) mais on ne sait rien de sa vie de famille en Australie ; dans son livre, il explique des techniques aborigènes, leur mode de vie mais rien sur sa vie personnelle, intime. Des témoignages laissent supposer qu’il a eu 3 enfants, mais même le réalisateur vendéen qui est allé chercher en Australie pour faire un documentaire n’a rien pu retrouver à cause de la colonisation ultra-violente (les Aborigènes ont été déplacés et mal considérés). Alors j’ai laissé aller mon imagination : ses cheveux roux sont plus visuels sur les images et font de lui quelqu’un d’un peu exceptionnel, comme le tatouage maori qui n’est pas du tout à la mode à cette époque-là ; le pendentif rappelle à la fois la culture aborigène et la superstition des marins et me permet de répondre aux questions sans réponse ; l’écriture Aborigène est imaginaire puisqu’il n’y a traditionnellement que des symboles et de la transmission orale ; et bien sûr la fin ouverte du tome 3 : l’enfant du début existe ou pas ? En fait le garçon est comme lui, c’est peut-être même lui (à la fin de sa vie pleine d’épreuves que seul un homme solide peut surmonter, il était assez perturbé…).

Pourquoi les vignettes sont-elles de taille irrégulière ?

Mes vignettes s’adaptent à l’histoire, contrairement à d’autres BD (les comics américains) où les planches sont toutes identiques.

En conclusion, je suis heureux d’avoir pu faire découvrir cette histoire peu connue. Et les retours des lecteurs, comme lors des rencontres scolaires, sont très enrichissants !

 

 

Voici la dédicace effectuée par Chanouga sur la 1ère page d’un de nos albums.

Venez donc emprunter au CDI cette fabuleuse histoire que vous pouvez compléter par la lecture d’un très beau livre documentaire que nous venons d’acquérir !

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